Après 50 ans dits de modernisation de l’agriculture, celle-ci se caractérise par des exploitations de taille croissante, généralement spécialisées sur un nombre limité de produits, dont la production implique l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires. Cette évolution, soutenue par la PAC, a permis d’atteindre un niveau de productivité élevé, au prix cependant de conséquences négatives sur l’environnement, sans garantir un niveau de revenu équitable pour l’ensemble des agriculteurs. Face à ce constat, quelles doivent être les nécessaires transformations des systèmes agricoles européens ?
La PAC, Politique agricole commune, a constitué un outil majeur pour l’incarnation du projet européen au cours des 60 dernières années, en visant la modernisation de l’agriculture européenne pour assurer la sécurité alimentaire de sa population. Sa réforme en profondeur est aussi un enjeu majeur pour la poursuite de la mise en œuvre de ce projet collectif. En effet, les changements de contexte environnemental, économique et social nécessitent une redéfinition majeure des objectifs et des instruments au service d’une agriculture et d’un système alimentaire plus durables et plus solidaires.
Le modèle de production agricole dominant (le modèle agricole que l’on qualifie le plus souvent de « conventionnel » ou «d’intensif ») s’est construit, en France et dans le monde, autour de la recherche d’une augmentation de productivité. La productivité s’entendant ici comme la quantité produite par unité de travail et/ou de surface. Il est caractérisé par le recours aux intrants de synthèse (semences certifiées, engrais azotés, produits phytosanitaires), par une mécanisation toujours plus poussée (robots de traite, machines pour la récolte), par la simplification des systèmes de culture et la spécialisation sur un nombre réduit de productions (séparation entre productions végétales et animales, rotations simplifiées, concentration des élevages).
L’évolution des modes de production agricole a permis une augmentation très importante des rendements et a eu d’importantes conséquences sur l’environnement. Parmi les principales, il faut citer l’impact sur la biodiversité, la ressource en eau (en quantité et qualité), la qualité de l’air (contamination par les résidus de pesticides et émission de gaz à effet de serre), l’érosion et la diminution de la qualité des sols cultivés. La transition agro-écologique vise à répondre à ces enjeux.
Chacun possède de nombreux souvenirs reliés à son alimentation: un repas traditionnel des parents ou grands- parents, un restaurant préféré, une histoire de région et de ses plats traditionnels, des souvenirs de vacances, un fruit cueilli sur l’arbre ou notre madeleine consommée chaude à la sortie du four. L’ensemble construit un espace mémoriel fait de sensations, de plaisir, mais aussi de dégoût face à la consommation d’aliments issus d’autres cultures (des insectes par exemple). L’alimentation couvre un besoin vital, mais aussi de nombreux besoins mentaux. Implicitement dans notre culture française alimentation et agriculture sont étroitement liés: confiance dans l’agriculture que l’on voit, proximité avec le fermier, connaissance fine du travail de l’artisan boulanger, du traiteur ou du fromager de notre quartier ou de notre village. La réalité entre cette image mentale et nos comportements apparaît plus complexe, mais nourrir est une des finalités premières de l’agriculture.
Le lien alimentation-agriculture est donc essentiel. Il s’agit de savoir et de mettre en œuvre les conditions qui assurent à la fois la production en quantité face à l’accroissement de la population et une qualité des productions au meilleur niveau sanitaire et de composition nutritionnelle. Un certain nombre d’acteurs revendiquent une PAC qui prendrait en compte agriculture et alimentation.
Dans les campagnes, la fin de la prédominance des agriculteurs et des activités agricoles ou liées à l’agriculture laisse place à d’autres usages et d’autres habitants. Les campagnes sont de plus en plus investies par des urbains. Cela interroge la place de l’agriculture dans les campagnes et la place des campagnes dans l’espace national.
Les cohabitations entre les habitants «traditionnels» et les nouveaux habitants créent parfois des tensions, plus rarement des conflits : quelles représentations des campagnes s’imposent ? Quels habitants imposent quelles pratiques ? Les vélos auraient-ils priorité sur les tracteurs ? Comment, finalement, les différents groupes sociaux qui constituent des campagnes plurielles de la France contemporaine peuvent-ils cohabiter ?
La PAC a tenu son engagement de garantir la sécurité alimentaire dans l’Union européenne depuis près de 60 ans.
Mais aujourd’hui elle révèle ses limites : les évolutions de la société et les crises climatiques, environnementales et sanitaires questionnent la pertinence et l’actualité de l’objet hérité du contrat social de cette politique commune européenne.
Aujourd’hui, après 60 ans, quel doit être le rôle de l’agriculture ? Quelles règles et principes doit-elle respecter ? Pour atteindre quels objectifs ? Doit-elle être subventionnée ? L’autonomie alimentaire doit-elle rester un objectif stratégique pour la France ? Pour l’Europe ? Comment donc la PAC doit-elle évoluer ? Ces questions sont cruciales.
Liens :
- Proposition de contrat faite à l'issue des consultations et échanges.
- Mathilde Gérard (25 septembre 2020). Trois jours d’assemblée citoyenne pour redéfinir un nouveau « contrat social » de la PAC. Le Monde.
- Mathilde Gérard (28 septembre 2020). Quel contrat social pour la PAC de 2020 ? Des citoyens tirés au sort conviennent d’objectifs communs. Le Monde.
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